Pour que Joëlle demeure!
Elles s’appellent Guylaine, Marie-Claude, Isabelle…Telles des chattes de gouttière, elles trottent, grises et menues, dans les recoins et ruelles de la Basse-ville. Personne ne se soucie guère d’elles, si ce n’est, à l’occasion, l’ami-proxénète, le flic de la répression, le pusher, le client lové dans son jeep, et trop souvent hélas, l’employé de la coop funéraire pour la petite note de frais.
S’agissant de ces femmes toxicomanes et prostituées, l’excellente chronique de Mylène Moisan - qui greffait une histoire palpitante de vie sur la mort glauque à souhait de Joëlle Tshernish Brisson - aura eu l’heur de mettre un peu de baume, tout en enclenchant (chose rare dans le milieu) une forte vague de solidarité venant des habitué-es de la rue. Un texte, un mouvement de sympathie mettant en relief, si besoin était, toute l’impérieuse nécessité d’une maison d’hébergement pour les femmes prostituées du milieu. Un havre, une maison de répit, qui, si cet endroit avait existé avant, aurait probablement sauvé des dizaines de femmes décédées des suites d’une overdose, d’un accident, voire d’un meurtre gratuit. Des femmes qui n’auront eu droit pour toute éloge funéraire, qu’à un banal entrefilet dans la section des faits divers et autres bizarreries.
Vivement la création d’un lieu d’hébergement tel que réclamé par les femmes du projet LUNE et aussi, pourquoi pas, l’avènement d’un site d’injection supervisé (SIS).* Pour que, à Québec comme ailleurs, on arrête de considérer certaines vies humaines rien qu’à l’aune des bons sentiments, du productivisme social et de la bigoterie marchande!
* Les deux projets sont respectivement mis de l’avant par le Projet d’intervention sur la prostitution à Québec et l’organisme Point de repères.
Par Gilles Simard,
Journaliste et intervenant social